D’abord éleveur de pigeons voyageurs sur le toit de l’école des beaux-arts de Montpellier, Sam Krack se met à peindre durant la période de confinement. Il retrouve alors la lenteur de l’action, qui structure le temps, le comble, dans une dynamique de la quotidienneté.
Le rapport entre la photographie fonctionnelle, marchande, notamment sur internet, et le système de valeur associé au médium pictural devient dès lors son sujet de prédilection, allant de pair avec une confrontation des " mondes de l’art " au capitalisme ordinaire. Dans une lignée duchampienne de l’indifférence de l’objet choisi, l’artiste reproduit sur toile les clichés de l’état des lieux de son appartement et fixe le prix de ses œuvres à la mesure de la caution de location. Cette démarche mimétique s’appuie sur les codes du monde marchand, la standardisation et la prolifération qu’il induit, interrogeant le décalage entre la singularité du sujet producteur d’images et leur dépersonnalisation. Dans sa dernière série en date, Krack poursuit ce brouillage des frontières, peignant ses reproductions sur l’objet même mis en vente, un rideau, acheté auprès de ses propriétaires, et qui demeure visible, à l’état de souvenir, sur la tranche.
Avec une ironie mordante, l’artiste guette dans les images banales les réminiscences fortuites des mythes et symboles associés à l’histoire de la peinture : des miroirs, devenus de grands " shaped canvases ", aux rideaux, parangons depuis la légende fondatrice de Parrhasios de l’illusion picturale, les objets reproduits ne cessent d’interroger les ambivalences, entre profondeur et planéité, de la représentation.
Maud Marron-Wojewodzki, Conservatrice au musée Fabre